Rechercher dans ce blog

lundi 9 décembre 2019

André Gide, Les Nourritures terrestres, extrait

Nathanaël, je t’enseignerai la ferveur. 
     Nos actes s’attachent à nous comme sa lueur au phosphore. Ils nous 
consument, il est vrai, mais ils nous font notre splendeur. 
     Et si notre âme a valu quelque chose, c’est qu’elle a brûlé plus 
ardemment que quelques autres. 
      Je vous ai vus, grands champs baignés de la blancheur de l’aube ; lacs 
bleus, je me suis baigné dans vos flots – et que chaque caresse de l’air riant 
m’ait fait sourire, voilà ce que je ne me lasserai pas de te redire, Nathanaël. 
Je t’enseignerai la ferveur. 
     Si j’avais su des choses plus belles, c’est celles-là que je t’aurais dites 
– celles-là, certes, et non pas d’autres. 


Rimbaud, L’Éternité, extrait

Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.

Éluard, source oubliée

Il nous faut peu de mots pour exprimer l’essentiel,
il nous faut tous les mots pour le rendre réel.

De Viau, La Solitude, extrait

Prête moi ton sein pour y boire 
Des odeurs qui m'embaumeront ; 
Ainsi mes sens se pâmeront 
Dans les lacs de tes bras d'ivoire.

Je baignerai mes mains folâtres 
Dans les ondes de tes cheveux 
Et ta beauté prendra les voeux 
De mes oeillades idolâtres.

Baudelaire, Alchimie de la douleur, extrait

Je découvre un cadavre cher, 
Et sur les célestes rivages
Je bâtis de grands sarcophages.

De Nerval, Delfica

 La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance
Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
Sous l'olivier, le myrte, ou les saules tremblants
Cette chanson d'amour qui toujours recommence ? ...
 
Reconnais-tu le temple au péristyle immense,
Et les citrons amers où s'imprimaient tes dents,
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
Où du dragon vaincu dort l'antique semence ? ..

Ils reviendront, ces dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l'ordre des anciens jours ;
La terre a tressailli d'un souffle prophétique …

Cependant la sibylle au visage latin
Est endormie encor sous l'arc de Constantin
- Et rien n'a dérangé le sévère portique.

Mallarmé, Don du poème, extrait

Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Inumée

Reverdy, Plupart du temps, Après le bal

APRÈS LE BAL

J'ai peut-être mis au vestiaire plus que mes vêtements. Je m'avance, allégé, avec trop d'assurance et quelqu'un dans la salle a remarqué mes pas. Les rayons sont pleins
de danseuses.

Je tourne, je tourne sans rien voir dans les flots de rayons des lampes électriques et je marche sur tant de pieds et tant d'autres meurtrissent les miens.

Quel bal, quelle fête! J'ai trouvé toutes les femmes belles, tous mes désirs volent vers tous ces yeux. Tant qu'a duré l'orchestre j'ai tourné des talons sur un parquet
ciré, plein d'émotion, et mes bras sont rompus d'avoir supporté tant de proies qu'il a fallu lâcher.

Mais l'orchestre s'est tu, les lampes éteintes ont laissé s'alourdir la fatigue. Au vestiaire, on m'a rendu un chaud manteau contre le gel, mais le reste? Il me manque pourtant
quelque chose. Je suis seul et je ne puis lutter contre ce froid.

Reverdy, Plupart du temps, Lumière

LUMIÈRE

Une petite tache brille entre les paupières qui battent. La chambre est vide et les volets s'ouvrent dans la poussière. 

C'est le jour qui entre ou quelque souvenir qui fait pleurer tes yeux.

Le paysage du mur — l'horizon de derrière — ta mémoire en désordre et le ciel plus près d'eux. Il y a des arbres et des nuages, des têtes qui dépassent et des mains blessées par la lumière. 

Et puis c'est un rideau qui tombe et qui enveloppe toutes ces formes dans la nuit.

Reverdy, Plupart du temps, Hôtels

 HÔTELS

Dans une singulière détresse d'or j'attends, passé minuit, que vienne l'heure propice à toutes les défenses contre les éléments. Je vais passer devant l'ennemi, redoutable plus que la pluie, plus que le froid. Il dort et ma main tremble. Une petite arme me suffira, mais avec ce terrible bruit dans la serrure et de la porte, je vais être assailli d'horribles cauchemars.

Au matin nouveau, départ à pas de chat. C'est un autre soupir et la rue me devient moins hostile; mais quand viendront, enfin, la délivrance et le repos tranquille? Cependant je me souviens d'avoir dormi dans un lit plus doux dressé pour moi.
Il n’en rest plus que les rêves.

Reverdy, Plupart du temps, La saveur du réel

LA SAVEUR DU RÉEL

Il marchait sur un pied sans savoir où il poserait l’autre. Au tournant de la rue le vent balayait la poussière et sa bouche avide engouffrait tout l’espace.
 
Il se mit à courir espérant s’envoler d’un moment à l’autre, mais au bord du ruisseau les pavés étaient humides et ses bras battant l’air n’ont pu le retenir. Dans sa chute il comprit qu’il était plus lourd que son rêve et il aima, depuis, le poids qui l’avait fait tomber.

Son avidité n’a égal que moi, Éluard, extrait

Mon cœur bat dans tout ton corps  
Dans tes retraites préférées  
Sur l'herbe blanche de la nuit  
Sous les arbres noyés 

Nous passons notre vie  
A renverser les heures  
Nous inventons le temps 
Et d'un seul coup comme toujours 
Des verdures et des oiseaux 
Où sommes-nous 
Soufflent sur tes regards 
Se posent sur tes paupières 
Garde-toi de bouger 
Les guirlandes de tes membres 
Sont pour des fêtes moins subtiles 

Pas un geste apparent  
On nous croit immobiles  
Tant nous sommes secrets

Une seule femme endormie, Pierre Jean-Jouve

Une seule femme endormie


Par un temps humide et profond tu étais plus belle
Par une pluie désespérée tu étais plus chaude
Par un jour de désert tu me semblais plus humide
Quand les arbres sont dans l’aquarium du temps
Quand la mauvaise colère du monde est dans les cœurs
Quand le malheur est las de tonner sur les feuilles
Tu étais douce
Douce comme les dents de l’ivoire des morts
Et pure comme le caillot de sang
Qui sortait en riant des lèvres de ton âme.

Par un temps humide et profond le monde est plus noir
Par un jour de désert le cœur est plus humide.

André Breton, Nadja

La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas.

Hume, Essais esthétiques, De la délicatesse du gout et de la passion, extrait

Certains êtres sont sujet à une certaine délicatesse de passion qui les rend extrêmement sensibles à tous les accidents de la vie, et leur donne une joie vive à chaque événement favorable, aussi bien qu’une douleur pénétrante à la rencontre de l’infortune et de l’adversité. Les faveurs et les bons offices engagent facilement leur amitié, tandis que la plus petite atteinte  provoque leur ressentiment. Tout honneur ou marque de distinction les exalte au-delà de toute mesure, mais ils sont touchés de manière aussi sensible par le mépris. Les personnes de ce caractère ont certainement des plaisirs plus vifs, aussi bien que des peines plus mordantes que les hommes de tempérament froid et posé. Mais je crois que, quand toute chose est pesée, il n’est personne qui ne préférerait être de ce dernier caractère, ayant la maîtrise entière de ses propres dispositions. La bonne ou la mauvaise fortune sont très peu en notre pouvoir, et quand une personne ayant cette sensibilité de tempérament est confrontée à un malheur, son chagrin ou son ressentiment prend possession d’elle entièrement et l’empêche de trouver encore du goût aux événements communs de la vie, dont l’appréciation juste forme la plus grande partie de notre bonheur. 

Aragon, Je tombe…, extrait


Ces images sous mes paupières
Font comme au fond d’un puits les pierres
Dilatant l’iris noir de l’eau
C’est tout le passé qui s’émiette
Un souvenir sur l’autre empiète
Et les soleils sur les sanglots 

Ô pluie, ô poussière impalpable
Existence couleur de sable
Brouillard des respirations
Quel choix préside à mon vertige
Je tombe et fuis dans ce prodige
Ma propre accélération

Apollinaire, Liens, extrait



J’écris seulement pour vous exalter
Ô sens ô sens chéris
Ennemis du souvenir
Ennemis du désir

Ennemis du regret
Ennemis des larmes
Ennemis de tout ce que j’aime encore

L'Idiot, Dostoïevski


C’est vrai, prince, que vous avez dit une fois : « C’est la beauté qui sauvera le monde » ?

Gorgias, Platon

Calliclès : Mais que veux-tu dire avec ton "se commander soi-même" ?

Socrate : Oh, rien de compliqué, tu sais, la même chose que tout le monde : cela veut dire être raisonnable, se dominer, commander aux plaisirs et aux passions qui résident en soi-même.

Calliclès : Ah ! Tu es vraiment charmant ! Ceux que tu appelles hommes raisonnables, ce sont des abrutis !

Socrate : Qu'est-ce qui te prends ? N'importe qui saurait que je ne parle pas des abrutis !

Calliclès : Mais si, Socrate, c'est d'eux que tu parles, absolument ! Car comment un homme pourrait-il être heureux s'il est esclave de quelqu'un d'autre ? Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste de nature ? hé bien, je vais te le dire franchement ! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer. Seulement, tout le monde n'est pas capable, j'imagine, de vivre comme cela. C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire.


Les Mains libres, L'Aventure

L’Aventure

Prends garde c’est l’instant où se rompent les digues
C’est l’instant échappé aux processions du temps
Où l’on joue une aurore contre une naissance

Bats la campagne
Comme un éclair
Répands tes mains
Sur un visage sans raison
Connais ce qui n’est pas à ton image
Doute de toi
Connais la terre de ton cœur
Que germe le feu qui te brûle

Que fleurisse ton œil
Lumière.

Les Mains libres, Le Tournant

Le Tournant

J’espère
Ce qui est interdit.

Les Mains libres, Le Don

Le Don

Elle est noyau figue pensée
Elle est le plein soleil sous mes paupières closes
Et la chaleur brillante dans mes mains tendues

Elle est la fille noire et son sang fait la roue
Dans la nuit d’un feu mûr. 

Les Mains libres, Burlesque

BURLSEQUE

Fille de glace donne-moi
Confiance en moi.

Les Mains libres, Le temps qu'il faisait le 14 mars

LE TEMPS QU'IL FAISAIT LE 14 MARS

Sur les rivages de verdure
Où l'eau devient de la lumière

dimanche 8 décembre 2019

Zone, Apollinaire

ImageImage
À la fin tu es las de ce monde ancien
 
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine

Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme
L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut

Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers

J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes

Voilà la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant
Ta mère ne t’habille que de bleu et de blanc
Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize
Vous n’aimez rien tant que les pompes de l’Église
Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette

Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège
Tandis qu’éternelle et adorable profondeur améthyste
Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ
C’est le beau lys que tous nous cultivons
C’est la torche aux cheveux roux que n’éteint pas le vent
C’est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère
C’est l’arbre toujours touffu de toutes les prières
C’est la double potence de l’honneur et de l’éternité
C’est l’étoile à six branches
C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C’est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur

Pupille Christ de l’œil
Vingtième pupille des siècle il sait y faire
Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l’air
Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder
Ils disent qu’il imite Simon Mage en Judée
Ils crient s’il sait voler qu’on l’appelle voleur
Les anges voltigent autour du joli voltigeur
Icare Enoch Elie Apollonius de Thyane
Flottent autour du premier aéroplane
Ils s’écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la Sainte-Eucharistie

Ces prêtre qui montent éternellement élevant l’hostie
L’avion se pose enfin sans refermer les ailes
Le ciel s’emplit alors de millions d’hirondelles
A tire-d’aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux
D’Afrique arrivent les ibis les flamants les marabouts
L’oiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes
Plane tenant dans les serres le crâne d’Adam la première tête
L’aigle fond de l’horizon en poussant un grand cri
Et d’Amérique vient le petit colibri
De Chine sont venus les pihis longs et souples
Qui n’ont qu’une seule aile et qui volent par couple
Puis voici la colombe esprit immaculé
Qu’escortent l’oiseau-lyre et le paon ocellé
Le phénix ce bûcher qui soi-même s’engendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
Les sirènes laissant les périlleux détroits
Arrivent en chantant bellement toutes trois
Et tous aigle phénix et pihis de la Chine
Fraternisent avec la volante machine

Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule

Des troupeaux d’autobus mugissants près de toi roulent
L’angoisse de l’amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais jamais plus être aimé
Si tu vivais dans l’ancien temps tu entrerais dans un monastère
Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière
Tu te moques de toi et comme le feu de l’Enfer ton rire pétille
Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie
C’est un tableau pendu dans un sombre musée
Et quelquefois tu vas le regarder de près

Aujourd’hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantées
C’était et je voudrais ne pas m’en souvenir c’était au déclin de la beauté

Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m’a regardé à Chartres
Le sang de votre Sacré Cœur m’a inondé à Montmartre
Je suis malade d’ouïr les paroles bienheureuses
L’amour dont je souffre est une maladie honteuse
Et l’image qui te possède te fait survivre dans l’insomnie et dans l’angoisse

C’est toujours près de toi cette image qui passe

Maintenant tu es au bord de la Méditerranée
Sous les citronniers qui sont en fleur toute l’année
Avec tes amis tu te promènes en barque
L’un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques
Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs
Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur

Tu es dans le jardin d’une auberge aux environs de Prague
Tu te sens tout heureux une rose est sur la table
Et tu observes au lieux d’écrire ton conte en prose
La cétoine qui dort dans le cœur de la rose

Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit
Tu étais triste à mourir le jour où tu t’y vis
Tu ressembles au Lazare affolé par le jour
Les aiguilles de l’horloge du quartier juif vont à rebours
Et tu recules aussi dans ta vie lentement
En montant au Hradchin et le soir en écoutant
Dans les tavernes chanter des chansons tchèques

Te voici à Marseille au milieu des Pastèques

Te voici à Coblence à l’hôtel du Géant

Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon

Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide
Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde
On y loue des chambres en latin Cubicula locanda
Je m’en souviens j’y ai passé trois jours et autant à Gouda

Tu es à Paris chez le juge d’instruction
Comme un criminel on te met en état d’arrestation

Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
Avant de t’apercevoir du mensonge et de l’âge
Tu as souffert de l’amour à vingt et à trente ans
J’ai vécu comme un fou et j’ai perdu mon temps
Tu n’oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter
Sur toi sur celle que j’aime sur tout ce qui t’a épouvanté

Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants

Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages
Ils espèrent gagner de l’argent dans l’Argentine
Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune
Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre cœur
Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels
Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent
Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges
Je les ai vus souvent le soir ils prennent l’air dans la rue
Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs
Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque
Elles restent assises exsangues au fond des boutiques

Tu es debout devant le zinc d’un bar crapuleux
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux

Tu es la nuit dans un grand restaurant

Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant
Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant

Elle est la fille d’un sergent de ville de Jersey

Ses mains que je n’avais pas vues sont dures et gercées

J’ai une pitié immense pour les coutures de son ventre

J’humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche

Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues

La nuit s’éloigne ainsi qu’une belle Métive
C’est Ferdine la fausse ou Léa l’attentive

Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée
Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances

Adieu Adieu

Soleil cou coupé

OUI OU NON, Les Mains libres

OUI OU NON

Dessine le sort
Un trait d’acier sincère
Un trait filant droit
Sur des routes nouvelles

Regarde tes soeurs
Prêtes à recevoir
Les bijours tournoyants de la rébellion
De tes refus
De ta force future

Elles écoutent quand tu te tais
Les grandes orgues de la raison.